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  • Photo du rédacteurJade Clervoy

Les télétravailleurs sous pression

Avec la crise sanitaire actuelle, un grand nombre d’entreprises ont généralisé le télétravail pour permettre à leurs collaborateurs de travailler à distance. La mise en application du télétravail ne cesse d’être controversée. S’il représente un gain de liberté pour certains, c’est une souffrance pour d’autres. En effet, ils sont nombreux à travailler plus pour ne pas décevoir leurs managers. A quel prix ?


Un contrat psychologique perturbé

Au-delà du contrat de travail - écrit, formalisé, et signé par les deux parties - il existe un contrat tacite tout aussi important. On l’appelle contrat psychologique. Il réunit les croyances que les employés ont sur les obligations entre eux et leur organisation. Par exemple, un employé s’attend à recevoir de la reconnaissance de la part de son employeur en échange des fruits de son travail. Si l’employeur ne respecte pas cette attente, l’employé va percevoir une violation de ce contrat. Déçu, le collaborateur peut perdre confiance en son employeur. Par conséquent, il réduira ses efforts pour son entreprise, se montrant même contre-performant. À l’inverse, quand un salarié perçoit que son employeur respecte ce contrat psychologique, il a envie d’être plus performant pour son entreprise. Que se passe-t-il lorsque les conditions de travail du collaborateur changent ?


Avec la crise sanitaire, le télétravail s’est généralisé dans le quotidien de nombreux collaborateurs. Si certains y étaient déjà habitués, d’autres ont découvert cette pratique de travail, avec son lot d’avantages et de difficultés. Aujourd’hui, l’employeur n’a plus besoin de modifier le contrat de son collaborateur pour l’autoriser à télétravailler. Cet accord informel au télétravail perturbe d’autant plus le contrat psychologique du collaborateur. En effet, le salarié doit revoir ses croyances sur les obligations de chacun. De nature dynamique, le contrat psychologique évolue en même temps que les conditions de travail.


En l’absence de son manager, le salarié développe une forte autodiscipline. Il se met la pression de crainte de ne pas remplir les objectifs fixés.


Les télétravailleurs se sentent redevables

Télétravail et contrat psychologique reposent sur un principe de confiance. Il n’y a pas de formalisation de règles ; le collaborateur sait ce que son employeur attend de lui. Mais, le sait-il vraiment ? Certains salariés se mettent une pression supplémentaire par volonté de pallier les préjugés existants sur le télétravail. Parmi eux, existe celui du laisser-aller. En effet, le télétravailleur ne subissant pas un contrôle direct de son supérieur hiérarchique, pourrait vaquer à d’autres activités : s’occuper des enfants, faire les courses… En réalité, le mécanisme psychologique inverse se produit. En l’absence de son manager, le salarié développe une forte autodiscipline. Il se met la pression de crainte de ne pas remplir les objectifs fixés. En effet, bénéficiant de plus de temps dans sa journée (temps de transport éliminé) et moins de fatigue (il peut dormir plus longtemps), le salarié pense que son manager a des attentes plus élevées que d’habitude.


Pour faire perdurer la relation de confiance avec le manager à distance, le télétravailleur a donc tendance à fournir plus d’efforts que nécessaire pour prouver son dévouement à son entreprise [1]. Par exemple, le collaborateur va travailler plus de dix heures sans faire de pause. Comment expliquer ce phénomène ? L’employeur participe-t-il à cette mise en pression du collaborateur ? La recherche de Pilon démontre que les managers faisant déjà confiance à leurs salariés ne se montrent pas plus exigeants à leur égard quand ils sont en télétravail [2]. Il semblerait alors que les croyances émises par le salarié sont infondées. Pour autant, le nouveau contrat psychologique qui prend forme comporte des risques. Cette surpression devient contre-performante et participe au mal-être des collaborateurs, souffrant déjà du manque de lien social. De plus, l’organisation subit une baisse de productivité ainsi qu’une perte de cohésion du collectif. Comment l’employeur peut-il prévenir ces risques ?


Si la mise en place du télétravail ne requiert pas de formalisation écrite, elle impacte indéniablement la relation employeur-collaborateur. L’écart entre ce que le salarié pense des attentes de son supérieur, et ce que celui-ci attend vraiment, perturbe le contrat psychologique du collaborateur. Cet écart découle principalement d’un manque de communication de la part du supérieur hiérarchique. Ainsi, il est crucial que managers et collaborateurs exposent les attentes perçues de chacun dans ces nouvelles conditions de travail. Mieux comprendre ce qu’il se cache dans le contrat psychologique de son collaborateur permettra à l’employeur d’anticiper de potentiels dysfonctionnements, impactant la santé du collaborateur comme la performance de l’entreprise.

[1] Alves Cachapela, L. (2016). Le télétravail. Confiance et autocontrôle : alternative ou partenaires du contrôle à distance ?. Université de Liège [2] Pilon, C. (2012). L’autorisation du télétravail comme acte de confiance. Université Montréal

Références

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