Séverine Halopeau
Le stress n'est pas nocif, voici comment il le devient
Selon le communiqué de l'ANDRH (Association Nationale des DRH), la santé mentale des salariés se dégrade par les conditions de travail, la qualité des interactions humaines ou encore la charge de travail.
Les environnements de travail sont toujours plus instables et complexes, ceci générant du "stress" auprès des collaborateurs - ces derniers ayant de plus en plus de difficultés à le maîtriser.
Le stress, mal du siècle ?
Le stress a une image très négative. Dans l'imaginaire collectif, nous percevons le stress comme un état d'alerte, de panique, de pression - en bref, une manifestation plutôt désagréable que nous paraissons subir. Un stress "par nature" nocif donc, qui serait en plus omniprésent, dans notre quotidien.
Oui, le stress serait presque une caractéristique de nos modes de vies. Nous vivons dans des environnements changeants, rapides, nous contraignant de vivre "en état de stress". Il suffit de compter le nombre de fois où nous pouvons lire et/ou entendre le mot "stress", dans une journée. Le stress a trouvé sa place dans notre jargon, et nous le communiquons comme un fléau à éradiquer...ou comme une démonstration de nos responsabilités !
Le stress comme preuve d'investissement ?
Exprimer un stress, c'est partager aux autres notre capacité à faire face à des situations complexes, c'est convaincre d'une vie intense, c'est dire "je suis quelqu'un d'occupé". Nous nous éloignons alors de la représentation négative d'un stress à éradiquer. Le stress ici devient une preuve d'investissement, d'implication et d'engagement. Tordu, n'est-ce pas? Et pourtant, ce paradoxe n'est si étrange que cela. Prenons un exemple du monde professionnel.
Dans le cadre d'une immersion, des managers me confiaient être épuisés par la charge de travail, générant un fort stress, à l'origine d'une mauvaise qualité de vie au travail. Quand nous discutions de possibilités pour pallier la charge de travail (par exemple, réorganiser leur rôle et leurs missions), certains managers étaient très réticents. Déléguer des missions était perçu comme une perte de responsabilités. Ils me disaient "Mais si je ne m'occupe plus de ça, qu'est-ce que je vais faire de mes journées ?".
La culture de la surcharge
Dans différents secteurs professionnels, il existe cette culture de la surcharge : nous sommes "overbookés", nous avons énormément de tâches à réaliser, nous travaillons sous pression... Mais pourquoi ? Il y a l'explication traditionnelle : les environnements changeants (crises, concurrence...) ont des répercussions sur les organisations (ex. difficultés de recrutement...). De fait, le collaborateur d'aujourd'hui est souvent contraint de faire preuve d'adaptation et de polyvalence.
Puis, il y a l'explication "psycho-sociale" : la surcharge de travail sous-entend des messages cachés. Comme exprimé plus haut, la mention de surcharge peut démontrer de l'investissement et donc, de l'importance. Cela veut dire que la personne qui n'est pas overbookée peut être perçue comme un travailleur moins essentiel, dans la chaîne de la valeur de l'organisation. Ce travailleur devient alors une potentielle cible, dans le cas de réorganisations...
Il y a donc une question d'image derrière cette culture de la surcharge. Si nous ne sommes pas occupés, nous avons alors du temps libre, par conséquent, d'autres personnes peuvent nous assigner des missions ou simplement se dire que nous sommes paresseux. Plusieurs ouvriers du bâtiment me partageaient ce dernier ressenti. Certains m'expliquaient parfois mentir sur leur réelle charge de travail, pour éviter les remarques de collègues, par exemple.
Le stress n'est pas nocif, voici comment il le devient
Le stress est une réaction physiologique normale, qui nous est même très utile, face à un danger. Le père fondateur du stress, le médecin Hans Selye, met en évidence un mécanisme instinctif et conceptualise le "syndrome général d'adaptation". Pour comprendre le stress, il faut considérer trois temps : (1) la phase d'alerte, (2) la phase d'adaptation, (3) la phase de détente.
la phase d'alerte correspond à la montée de stress, caractérisée par des modifications dans l'organisme (ex. augmentation du rythme cardiaque, de la tension artérielle, du rythme respiratoire...). C'est là que nous cherchons des ressources, pour faire face à une nouvelle situation ou à un danger.
la phase d'adaptation est donc la réaction apportée à la situation - c'est le point culminant du stress. Notre état de tension est au maximum, comme nous mobilisons nos ressources, pour agir face à l'évènement stressant.
la phase de détente correspond enfin à la diminution du stress, caractérisée par la récupération de l'organisme (ex. relâchement des muscles, ralentissement rythme cardiaque / rythme respiratoire...). C'est là que nous régularisons notre état, pour regénérer nos ressources.
Ce mécanisme démontre que le stress n'est pas néfaste. Nous pouvons ressentir du stress par diverses situations, sans en subir de conséquences sur l'organisme.
Mais le stress peut devenir nocif, quand il s'installe dans la durée.
Nous pouvons faire face à un évènement stressant trop intense, c'est-à-dire qui mobilisera une grande quantité de ressources, que nous pourrions ne pas avoir. Plus la niveau de stress est élevé, plus le temps de récupération est long, plus le risque de répercussions sur la santé est élevée.
Nous pouvons faire face à une nouvelle situation, génératrice de fort stress, à laquelle nous allons stagner. Autrement dit, notre organisme s'adaptera à la contrainte (plutôt que d'en sortir), épuisant alors le système d'adaptation du corps.
Quand on parle de nocivité du stress, il est important de considérer les personnes et les organisations. Percevoir un stress néfaste n'est pas qu'une question de personnalité. Evidemment, certaines personnes peuvent être plus ou moins résistantes face à des situations stressantes. Des personnalités ayant une faible confiance en elles sont plus sujettes au stress nocif, par exemple. Toutefois, personne n'est invincible...
Qu'est-ce qui explique cette soudaine mise en tension ? Est-elle justifiée ? Si oui, comment soutenir le collaborateur touché ? Si non, comment y remédier ? Voilà quelques questions à se poser derrière un stress nocif. De fait, l'environnement de travail peut contribuer à de situations stressantes. Et l'organisation peut les faire perdurer, ceci entraînant de la toxicité au travail. La culture de la surcharge le prouve. Pour ne pas perdre leur place dans l'entreprise, certains collaborateurs sont prêts à mettre en danger leur santé. D'autres seront prêts à agir contre leurs collègues. Pour ne pas être abusé ou encore sanctionné, des collaborateurs sont prêts à mentir au travail...
Le stress est un signal d'alerte. Sa manifestation n'a pas toujours le même sens. C'est pourquoi il est important d'investiguer ses causes (pourquoi, comment on en arrive là?), pour savoir remédier à toute nocivité, pour les personnes comme pour les organisations.
Pour en savoir plus avec Humaine
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